M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.
M. Dominique
Tian. Monsieur le président,
madame la ministre, messieurs les ministres, comme de nombreux orateurs depuis
hier soir, je ne peux qu’être très préoccupé par l’ampleur du déficit de la
sécurité sociale. Je partage le point de vue d’Yves Bur selon lequel nous ne
sommes pas dans une crise conjoncturelle mais dans une crise structurelle. Le
premier vice-président de la Cour
des comptes, Philippe Séguin, n’a-t-il pas lui-même déclaré :
« rien ne serait plus dangereux à mes yeux que de tirer prétexte de la
situation conjoncturelle pour ne pas voir qu’avant même la crise, la sécurité
sociale faisait face à un déficit structurel de 10 milliards d’euros et à
une dette cumulée de plus de 100 milliards. ».
Chacun l’aura compris, la situation des comptes sociaux
est alarmante. Elle appellerait des réactions rapides, comme chez nos voisins
allemands dont la branche assurance maladie est équilibrée cette année et même
légèrement bénéficiaire.
M. Michel
Issindou. Certains savent
réagir à temps !
M. Dominique
Tian. Le
timing décidé par le Gouvernement est différent. Dans ce projet de loi de
financement, il a choisi de mettre l’accent sur l’amortissement des effets de
la crise et sur l’amélioration de la qualité des soins en fixant l’ONDAM à
3 %, ce qui représente un beau soutien au secteur de la santé. Le budget
de la sécurité sociale permet aussi de poursuivre la réforme par une légère
amélioration de la maîtrise des dépenses d’assurance maladie et par la lutte
contre les fraudes, ce qui est une excellente initiative. À cet égard, il est
important de rappeler que ce n’est pas par un dérapage des dépenses de
l’assurance maladie que s’explique le déficit de la sécurité sociale 2009 mais
par un recul de la masse salariale au niveau national. Cependant, la situation
financière de l’assurance maladie n’est pas tenable dans la durée.
Chacun sait que des marges de manœuvre existent. Ainsi,
l’optimisation des dépenses hospitalières ne peut être reportée indéfiniment.
C’est pourquoi je regrette que, contrairement à ce que prévoyait la loi de
financement de la sécurité sociale de 2009, le Gouvernement ait décidé de
reporter de 2012 à 2018 l’objectif de convergence tarifaire
intersectorielle. Aujourd’hui, certains acteurs évaluent à plus
d’un milliard d’euros en 2010 le gain que l’assurance maladie pourrait
réaliser avec la mise en œuvre de la convergence sur seulement 50 prestations
hospitalières les plus courantes.
L’annonce d’une expérimentation de convergence ciblée sur
certains séjours, notamment en chirurgie ambulatoire, avec une économie
attendue de 150 millions d’euros, est un bon début, mais ne nous semble
pas à la hauteur de la situation.
M.
Jean-Frédéric Poisson. Très
bien !
M. Dominique
Tian. En ce qui concerne les
recettes, je regrette l’augmentation du forfait hospitalier qui touchera les
classes moyennes ou les personnes juste au-dessus du seuil de revenus ouvrant
droit à la CMU
qui, pourtant, ne se font pas hospitaliser par plaisir.
Je voudrais également dire deux mots des niches sociales
et fiscales. Alors que nous payons les charges sociales les plus importantes
d’Europe, le Gouvernement et la commission des affaires sociales aggravent
chaque année cette situation. Ainsi, il est prévu le doublement à 4 % du
forfait social instauré l’an dernier théoriquement à titre exceptionnel, et
portant sur les sommes versées au titre de l’intéressement et de la
participation. C’est un mauvais signal donné aux entreprises qu’une loi récente
a encouragé à développer, au contraire, ce type d’intéressement et de
participation.
L’article 14 double les taux de contribution sur les
régimes des retraites chapeaux. Celles-ci concernent essentiellement les cadres
des entreprises et pas toujours les cadres supérieurs. Un amendement de mon
collègue Yves Bur soumet aux prélèvements sociaux les parts de carried interest dont peuvent bénéficier
les salariés qui ont constitué des fonds de capital-risque en fonction du
travail accompli. Cette mesure peut pénaliser le financement en fonds propres
des PME et me semble de ce fait très contre-productive.
M. Pierre
Méhaignerie, président de la
commission des affaires sociales. Très bien !
M. Dominique
Tian. La commission des affaires
sociales a décidé de supprimer des avantages fiscaux consentis aux cafetiers,
hôteliers et restaurateurs. Cette mesure, si elle était adoptée, constituerait
un très mauvais signal donné à une profession qui souffre énormément et qui ne
rétribue pas assez ses salariés.
La disposition prévue pour le droit à l’image collective
des sportifs constitue également une mesure extrêmement contre-productive, dans
la mesure où la loi Lamour, votée en 2005, a prévu ce droit à l’image collective
pour préserver la santé financière des clubs et permettre à des sportifs de
haut niveau de rester sur le territoire national. C’est un mauvais signal donné
au monde sportif…
M. Régis
Juanico. Le sport business, ce
n’est pas pareil !
M. Dominique
Tian....dans la mesure où il ne
f… pas créer d’insécurité juridique, fiscale et sociale pour les clubs.
J’espère que cet amendement ne sera pas adopté.
M. Jean-Pierre
Door, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance
maladie et les accidents du travail. Vive l’OM !
M. Dominique
Tian. Un autre amendement vise à
soumettre à une contribution forfaitaire libératoire de 20 % les
gratifications de toute nature, comme les chèques-cadeaux et les
chèques-voyages attribués par une entreprise à ses revendeurs. Cet avantage
s’adresse essentiellement à des salariés peu fortunés et peu rétribués.
L’amendement constitue donc un contre-signal très fort.
Pour les particuliers, c’est la même logique qui prévaut
puisque l’article 17 supprime l’exonération des prélèvements sociaux des
intérêts des contrats d’assurance-vie multisupports comprenant des unités de
compte en cas de décès de leur titulaire. Après avoir encouragé
l’investissement sur des contrats d’assurance multisupports par le dispositif
Fourgous, et ce afin de financer l’économie en facilitant l’investissement sur
des supports en unités de compte, nous « trahissons » ceux qui
avaient adhéré au dispositif précédent. Il ne s’agit pas de privilégiés mais de
12 millions d’assurés qui seront pénalisés. C’est une instabilité
juridique tout à fait détestable et une surenchère que je regrette.
Malgré ces réserves, le présent projet de loi de
financement de la sécurité sociale va dans le bon sens. Aussi je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe
UMP.)