La Droite Populaire, les ultras de l'UMP
Ils représentent l’aile dure du parti de Nicolas Sarkozy, et prennent de plus en plus de poids en son sein.
Pour certains, ils portent les valeurs de la «vraie droite»; pour d'autres, ils ouvrent le chemin d'une alliance UMP-FN. Une chose est sûre: les 44 députés membres du collectif «La Droite Populaire», lancé en juillet 2010, font parler d'eux et prennent un poids certain au sein du parti majoritaire. Reçu par Nicolas Sarkozy et François Fillon, représenté au gouvernement par le secrétaire d'Etat aux Transports Thierry Mariani, pourvoyeur d'amendements chocs sur l'immigration ou la nationalité, le collectif fait figure d'aiguillon dans la chaussure droite de l'UMP.
Quand on demande à ses membres de définir la ligne de la «Droite Populaire», certaines réponses sont hautes en couleur. «On est des primaires», plaisante le député-maire de Maisons-Laffitte Jacques Myard, habitué des sorties musclées. «Des anarchistes de droite», renchérit Lionnel Luca l'une des figures de proue du collectif. «Nous sommes les chiens de berger d'un troupeau UMP qui, parfois, s'égaille un peu, selon le député perpignanais David Mach. Pendant des années, la droite n'a plus osé parler. Nous voulons mettre en avant ses valeurs fondatrices: l'ordre, la liberté d'entreprendre, la sagesse budgétaire...»
Stop à la centrisation
Traquer le «politiquement correct» et refaire de l'UMP cette «droite décomplexée» qui l'avait largement emporté en 2007: tel est le credo de la Droite Populaire. Symptôme d'une droitisation du parti? A écouter ses membres, c'est plutôt en réaction à ce qu'ils ressentaient comme un recentrage de l'UMP que s'est formé le collectif. «J’en avais assez d’entendre à l’Assemblée: attention, si on vote ceci ça va fâcher Martin Hirsch, cela ça ne va pas plaire à Bernard Kouchner», explique Thierry Mariani, l’une des têtes de proue du collectif.
«Je n’ai pas compris l'ouverture, puis le lâchage de Thierry Mariani sur les tests ADN alors que l'idée avait au départ le soutien de l'Elysée», explique de son côté le député des Bouches-du-Rhône Dominique Tian. C'est la raclée des régionales de 2010, accompagnée d'une montée du Front national, qui a poussé ces députés à franchir le pas. «Je sentais venir la défaite suite à la dérive de l'UMP au centre-gauche —pour ne pas dire à gauche, raconte le député du Rhône Philippe Meunier. Le parti était en chute libre. Face à son inexistence, on a pris les choses en main.»
L'approche de la présidentielle est aussi une incitation pour les tendances à se regrouper pour mieux peser sur la campagne à venir. «Puisque les libéraux, les centristes, les radicaux faisaient tous entendre leur petite musique, on a décidé de le faire nous aussi», explique le député des Bouches-du-Rhône Eric Diard. Le 14 juillet 2010, ils sont 35 à signer la charte du collectif. Patriotisme, sécurité (la «première des libertés») et liberté d'entreprendre figurent parmi les premières valeurs de la Droite Populaire, avec l'école et la «gestion rigoureuse des deniers publics».
La droite à l'attaque
Il y aurait donc des accents ligueurs chez ces députés, à l'encontre un Président traître à ses promesses de campagne? Les membres de la Droite Populaire protestent au contraire de leur soutien sans faille à Nicolas Sarkozy. «Il a mené en 2007 une campagne basée sur la rupture, rappelle Philippe Meunier. Nous veillons simplement à ce que cet engagement soit tenu.» Il s'agirait, en somme, de protéger le Président contre lui-même et les «forces d'inertie» qui le menacent. Quitte à sortir le flingue contre des membres de sa propre majorité.
«On n'hésite pas à recadrer des ministres qui dérapent», explique Daniel Mach. Comme Roselyne Bachelot, évoquant l'ouverture de salles de shoot pour drogués dépendants —prière à la ministre de la Santé de ne pas «se laisser aller». Ou Benoist Apparu, le financement public de la construction de mosquées —un communiqué invite alors le secrétaire d'État au logement à ne pas «faire du prosélytisme». Reçu fin mars par François Fillon, le collectif s'est aussi expliqué avec le Premier ministre. Rien n'a filtré, si ce n'est qu'«on lui a dit de demander à ses ministres de mettre en œuvre sa politique, et pas de commenter les résultats électoraux», raconte Philippe Meunier.
Autre moyen d'action de ces activistes de droite: l'activité parlementaire proprement dite, avec le dépôt d'amendements musclés. Dans le projet de loi «Immigration, intégration et nationalité» actuellement discuté au Parlement, le collectif en a déposé deux: l'un tendant à supprimer l'automaticité de la naturalisation pour les jeunes étrangers, et la conditionner à une demande écrite; l'autre instaurant un examen sur la France pour les futurs naturalisés. Des propositions rejetées par le Sénat, mais qui, selon plusieurs membres du collectif, pourraient être réintroduites avec le soutien du gouvernement.
Quelle distance avec le FN?
Certes, jusqu’à présent, les initiatives présidentielles sur le terrain de l’immigration ou de la sécurité n’ont pas été couronnées de succès. Faut-il persévérer dans un filon qui ne semble profiter qu’au Front national? Les membres de la Droite Populaire vont à rebours de cette analyse. Selon eux, ces débats répondent aux aspirations des électeurs, «mais ils doivent être suivis de résultats. Les Français trouvent que ça ne va pas assez vite», analyse Dominique Tian. Selon Eric Driard, «on nous reproche d’abord de nous être éloignés de nos valeurs depuis 2007», où Nicolas Sarkozy l’avait emporté avec une campagne marquée à droite.
Et certains sont prêts à aller plus loin. «On peut se poser la question de la préférence nationale dans certains domaines, par exemple pour l’attribution des logements sociaux», avance Philippe Meunier. Pour Dominique Tian, «les conditions d’attribution de la nationalité ne sont pas assez restrictives. Il y aura, un jour, un débat sur le droit du sol et le droit du sang». On retrouve aussi certains députés membres parmi les signataires d’une proposition de loi de 2004 visant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes terroristes. Autant d’idées figurant au programme du Front national.
Dès lors, dans l’opposition comme dans la majorité, certains n’hésitent pas à accuser la Droite Populaire de vouloir «compatibiliser» l’UMP avec l’extrême droite. «Quand j'en entends certains, je me dis qu'ils sont vraiment à deux doigts de prendre leur carte au FN», lâche un député UMP anonyme à l’Express.fr. «Cette droite populiste qui flirte avec les idées du FN me fait peur, s’effraie de son côté Françoise Hostalier. Ça ne correspond pas à la France que j'aime.»
Une assimilation qui fait bondir Thierry Mariani: «Ceux qui disent ça sont de pauvres types, s’emporte le secrétaire d'État aux Transports. Je traite ces propos par le mépris. J’ai personnellement été battu deux fois à cause du Front national. Pas question non plus pour nous de quitter l’UMP ou de se constituer en parti séparé.» «On ne veut pas s’allier avec le FN, on veut le faire disparaître», renchérit Dominique Tian. Au fait, qu’en pensent les intéressés? «On est lucides, ce sont des carriéristes et des opportunistes, déclare Bruno Bilde, conseiller de Marine Le Pen. Ils jouent aux faux durs pour assurer leur réélection. Il suffit de voir où ils sont élus: dans des régions où le FN est très fort!»
Rivaux électoraux
Effectivement, en plus de certaines idées, le lien entre le FN et beaucoup des membres de la Droite Populaire est souvent une concurrence électorale directe. Avec 14 députés sur 44, la région Paca est la plus représentée au sein du collectif. Suivent Rhône-Alpes et l'Ile-de-France (8), le Languedoc-Roussillon et le Nord-Pas-de-Calais (3). Des régions où le FN réalise certains de ses meilleurs scores... menaçant directement les députés de triangulaires, voire pire, pour les législatives de 2012. De quoi pousser à un discours plus musclé pour récupérer cet électorat mécontent.
De même, les territoires ruraux comme les grandes métropoles (sauf Marseille) sont faiblement représentés. Ce sont les périphéries —banlieue parisienne— et les villes moyennes de province qui dominent. Géographie qui, dans une certaine mesure, ramène aussi à celle du vote FN, notamment de la part d'électeurs modestes chassés des grands centres.
Si on compte des territoires authentiquement «populaires», comme Tourcoing (Christian Vanneste) ou Argenteuil (Georges Mothron), d'autres rentrent difficilement dans cette catégorie. Comme Le Raincy (93), dont le député-maire Eric Raoult reconnaît lui-même qu'elle est une «oasis si différente du reste du département». Ici, c'est plutôt le complexe de l'assiégé qui semble jouer: crainte du déclassement et volonté de préserver sa singularité. «On s’appelle Droite Populaire, mais c’est vrai que ce sont surtout les classes moyennes qui nous intéressent», reconnaît Dominique Tian.
«Pas un groupe d’agités»
Reste une question: l’UMP peut-elle encore résister longtemps à la déchirure de plus en plus nette entre son aile centriste et cet aiguillon de droite? La cohabitation semble intenable entre durs et centristes opposés à toute aventure droitière —ce qui leur a valu d’être aimablement qualifiés de «bobos salonards» par le député des Yvelines Jacques Myard. «Ça tiendra jusqu'à la présidentielle, estime Dominique Tian. Jusqu'aux législatives, peut-être, si l'élection est favorable au président actuel. Au-delà, c'est plus compliqué, il faudra que l'UMP se pose la question de son identité réelle.»
D’ici à la présidentielle, en tout cas, la Droite Populaire compte bien poursuivre son essor. Pour Thierry Mariani, «la prochaine étape, c’est de sortir des questions de sécurité et d’immigration pour se déployer sur d’autres thèmes et montrer que nous sommes pas un groupe d’agités. Mon seul problème aujourd’hui, c’est de gérer les gens qui nous demandent comment adhérer».
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